Trichoptères à étui
Ce sont ceux que les pêcheurs (et le grand public) connaissent le mieux. Nous prendrons comme exemple un Trichoptère de la famille des Limnephilidae et du genre Potamophylax. Ce genre est très commun dans les cours d’eau de la zone à truite. Nous verrons successivement la larve, la nymphe et l’adulte.
Opie Benthos
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Larve

Dès que la larve a quitté la ponte, elle construit un étui, fait, dans l’exemple choisi, de fines particules minérales. Après chaque mue, la larve grossit et s’allonge, elle doit donc agrandir son étui en procédant de la manière suivante : elle ajoute des éléments à l’avant et coupe l’extrémité postérieure de l’étui devenue trop étroite

Elle va procéder ainsi jusqu’au dernier stade larvaire (le cinquième chez les Limnephilidae). Nous examinerons cette larve de dernier stade.

On reconnaît la structure fondamentale d’un insecte avec tête, thorax et abdomen.

Tête

La tête constitue une capsule rigide (capsule céphalique) ovoïde. Elle est constituée de deux moitiés arrondies : les joues (ou genae), une pièce impaire dorsale l’apotome frontoclypéal et une pièce impaire ventrale l’apotome ventral. A l’avant s’ouvre la bouche entourée par les pièces buccales. Dorsalement la "lèvre” supérieure (le labre), puis latéralement deux grosses mandibules fortement sclérifiées (c’est-à-dire dont la cuticule est très dure), plus ventralement une paire de maxilles avec un palpe maxillaire segmenté court et du côté interne une structure correspondant à la fusion de la galea et de la lacinia. Ventralement, l’orifice buccal est fermé par la “lèvre” inférieure ou labium, ce labium porte deux palpes labiaux très courts et en position médiane une filière conique à l’extrémité de laquelle débouchent les conduits de deux glandes séricigènes (voir chapitre “ les Trichoptères et sécrétion de la soie ”).

 A l’arrière de la capsule céphalique s’ouvre un orifice (le foramen magnum) qui marque la liaison entre la tête et le thorax. La tête porte des yeux simples (ce sont plus des photorécepteurs que des yeux) et vers l’avant une paire d’antennes réduites à un seul segment (chez la très grande majorité des larves de Trichoptères les antennes sont unisegmentées et très courtes). La tête porte en outre de très nombreuses soies (sensilles) qui constituent des organes tactiles. La disposition de ces soies peut permettre l’identification des espèces. Sur les joues et sur l’apotome frontoclypéal on peut observer des taches ovalaires correspondant à l’insertion des muscles des mandibules et du labre.

Thorax

Le thorax est composé de trois segments : le pro, le méso- et le métathorax. Chaque segment porte une paire de patte. Nous examinerons d’abord le thorax proprement dit, puis les pattes thoraciques.

  • Le prothorax comporte une pièce sclérifiée (cuticule durcie) dorsale : le pronotum, qui protège la partie membraneuse qui relie le thorax à la tête. Le prothorax est ventralement membraneux et porte (chez les Limnephilidae) une saillie arquée, se terminant en pointe : la corne prosternale.
  • Le mésothorax est partiellement membraneux (cuticule souple), il porte en position médiodorsale deux plaques sclérifiées (sclérites), il est ventralement membraneux.
  • Le métathorax porte dorsalement (au moins dans l’exemple choisi) trois paires de petites plaques sclérifiées (sclérites), ventralement il est membraneux comme les autres segments thoraciques.

Les pattes thoraciques sont peu différentes les unes des autres, les pattes prothoraciques sont cependant plus courtes que les deux autres paires de pattes. Les pattes prothoraciques interviennent dans la construction de l’étui et dans l’alimentation, les deux autres paires servent à la locomotion. Chaque patte comprend une succession d’articles sclérifiés séparés par des membranes articulaires souples.

Depuis l’insertion de la patte sur le thorax, on distingue : une hanche (ou coxa), un trochanter, un fémur, un tibia, un tarse d’un seul article et une griffe terminale. Au niveau du point d’insertion sur le thorax, il y a très souvent de petites pièces sclérifiées (pleurites). Chaque patte, comme cela était le cas pour la tête, porte des soies (sensilles) de taille et de formes variées. La disposition de ces soies, leur forme et leur couleur peuvent être utilisées pour identifier les genres ou les espèces.

Abdomen

A l’exception des crochets anaux et des plaques sclérifiées qui les entourent, l’abdomen est totalement membraneux, la cuticule est peu teintée contrairement à celles du thorax. Cet abdomen comporte 9 segments fortement renflés (aspect boudiné). Le premier segment est (chez les Limnephilidae) différent des autres segments, il porte dorsalement et latéralement des mamelons, (protubérances arrondies) qui permettent à la larve de “ sentir ” l’étui et donc d’intervenir sur ce dernier si la pression est trop forte notamment après la mue. Les segments 2 à 8 sont pratiquement semblables. Ils portent latéralement et ventralement des branchies trachéennes allongées et effilées (au moins dans l’exemple choisi), latéralement on observe une frange de soies (frange latérale). Comme sur la tête et le thorax il y a des soies mais en petit nombre. Le segment 9 porte une paire de crochets anaux soutenus par des plaques sclérifiées (sclérites latéraux). A l’extrémité de ce segment 9 s’ouvre l’anus. Chez une larve vivante, l’abdomen est entièrement recouvert par l’étui.

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Etui

Dans l’exemple choisi, l’étui (fourreau) est un tube cylindrique creux, largement ouvert à l’avant et ne possédant à l’arrière qu’une petite ouverture plus ou moins circulaire. L’étui est composé de petites particules minérales. Chaque particule est fixée à ses voisines grâce à des fils de soie. Si l’extérieur de l’étui est fortement rugueux (rugosité dépendant de la taille et de l’agencement des particules utilisées), l’intérieur est tapissé d’une mince couche de soie dans laquelle la larve peut fixer ses crochets anaux.

Cet étui à une double fonction : protection vis-à-vis des prédateurs (larves de libellules ou de plécoptères par exemple) et respiration : grâce à des mouvements d’ondulation de l’abdomen, la larve crée un courant d’eau (l’eau entre par l’avant et ressort par l’orifice postérieur).

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Nymphe

A la fin du dernier stade larvaire, la larve fixe son étui au substrat, puis se retire complètement à l’intérieur de l’étui. Elle obture partiellement l’ouverture antérieure avec des éléments minéraux (ces éléments ne sont pas jointifs et l’eau peut circuler). Elle procède de même pour l’ouverture postérieure.

La larve va alors subir les processus qui précèdent la métamorphose (lyse de nombreux organes larvaires, mise en place de nouveaux organes nécessaires à la vie de l’adulte et de la nymphe). On parle à ce stade de prénymphe. La réorganisation se poursuit jusqu’au moment où cette prénymphe rejette l’exuvie larvaire (c’est la mue nymphale) et se transforme en nymphe.

Contrairement aux nymphes de papillons enfermés dans leur chrysalide relativement rigide, les nymphes de Trichoptères sont “ nues ” et mobiles (dans l’espace délimité par l’étui). Elles présentent une série de structures où l’on reconnaît à l’état d’ébauches des organes de l’adulte: yeux composés, longues antennes pluriarticulées, longues pattes thoraciques, deux paires d’ailes repliées dans leur fourreau (fourreaux alaires) et à l’extrémité de l’abdomen des pièces liées à l’appareil reproducteur : les genitalia. On observe également des organes propres à la nymphe : mandibules à extrémité effilée, pattes mésothoraciques frangées de soies, sclérites épineux dorsaux sur les segments abdominaux, lobes anaux.

La jeune nymphe est de coloration claire. La nymphe âgée présente une pigmentation plus marquée notamment au niveau des yeux et des fourreaux alaires; les organes de l’adulte commencent à se différencier nettement et sont alors clairement visibles à travers la cuticule nymphale, notamment les genitalia.

A l’extrémité postérieure de l’étui nymphal on peut observer les restes plus ou moins disloqués de l’exuvie larvaire.

Mue imaginale et émergence

A la fin de la vie nymphale, la nymphe, grâce à des mouvements de fermeture et d’ouverture des mandibules, va déchirer les fils de soies qui maintenaient les éléments minéraux fermant l’ouverture antérieure, elle se propulse, à travers le passage ainsi libéré, grâce à des mouvements d’ondulation de l’abdomen, les sclérites épineux abdominaux empêchant les mouvements de recul. La nymphe s’extrait ainsi peu à peu de l’étui. Lorsqu’elle a quitté l’étui, elle nage vers la surface grâce aux franges de soies portées par les pattes mésothoraciques (un peu comme une Notonecte). Elle s’accroche alors à un substrat émergé dur (pierre, branches, etc.) grâce à ses pattes antérieures qui portent des griffes et deux bandelettes rugueuses.

Les mouvements d’ondulations de l’abdomen s’accélèrent, la cuticule dorsale se fend dans l’axe médian au niveau du thorax, puis de la tête, l’adulte émerge peu à peu. La tête, puis le thorax et les pattes antérieures apparaissent. Ces dernières s’agrippent fermement au substrat et l’adulte se libère complètement de l’exuvie nymphale. Les ailes se déploient complètement par suite d’un afflux d’hémolymphe dans les nervures. Après quelques heures, les ailes sèchent et l’adulte peut voler. L’ensemble de ces processus constituent la mue imaginale (du latin imago : image qui désigne l’insecte adulte). Le passage de la vie nymphale aquatique à la vie imaginale terrestre constitue l’émergence.

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Adulte (ou imago)

L’adulte de Trichoptère ressemble à certains papillons nocturnes : ailes disposées en toit, coloration généralement assez terne. L'appareil buccal  est cependant très différent de celui des papillons. Contrairement à la majorité des papillons nocturnes il n’y a jamais de trompe enroulée. Le labium est en forme de languette : haustellum, les palpes labiaux et les palpes maxillaires sont bien développés, alors que chez les Lépidoptères les palpes maxillaires sont réduits.

Tête

La tête porte des yeux composés et, en outre, chez les Limnephilidae, des ocelles. Les antennes sont en général longues (comparées à celles de nombreux papillons nocturnes). La forme et le nombre d’articles des palpes maxillaires varient en fonction du sexe : 3 articles chez le mâle des Limnephilidae, 5 chez la femelle. Les mandibules ne sont pas visibles chez les Limnephilidae.

Thorax

Les pattes thoraciques sont longues avec un tarse de 5 articles. Le tibia porte des soies, des épines (chez les Limnephilidae) et des éperons bien développés. La disposition et le nombre de ces éperons (formule calcaréenne ou calcarienne) sont utilisés pour identifier familles et genres. La formule des éperons des Limnephilidae du genre Potamophylax est 134.

Les ailes sont recouvertes de soies, d’où le nom du groupe : en grec trix, trichos, le poil, ptéron l’aile = Trichoptères. Chaque nervure est définie par un nom et un numéro. Ces nervures se bifurquent souvent vers le bord de l’aile (fourches). La présence de certaines nervures transversales délimite des cellules. La forme et la disposition des nervures, la présence ou l’absence de fourches et de cellules sont utilisées pour identifier familles et genres.

Abdomen

Il est recouvert par les ailes. Il porte à l’extrémité postérieure (segments 9 et 10) les genitalia. Ce terme désigne un ensemble de pièces encadrant l’anus et l’orifice génital. Ces genitalia sont en général très développés chez les mâles, beaucoup plus discrets chez les femelles. Sur la figure (schémas théoriques adaptés d' Hoffmann 1967) sont indiqués les noms des différentes pièces. L’examen des genitalia du mâle permet d’identifier ici Potamophylax latipennis (Curtis, 1834), une espèce proche de Potamophylax cingulatus, mais qui s’en distingue notamment par la forme du pénis et des titillateurs. L’identification des espèces se fait généralement à partir de l’examen des genitalia du mâle. Dans certains cas favorables, les femelles peuvent être identifiées au niveau spécifique également à partir de l’examen des genitalia.

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